Latitudes a différents ateliers pour sensibiliser à l’impact du numérique et de son utilisation. Je suis en train de devenir animatrice de 2 d’entre eux : la Bataille de l’IA et la Bataille de la Tech. Avantage non négligeable : ils sont animés en ligne ! Cela permet de réunir de nombreuses personnes francophone, peu importe leur lieu de vie, pour s’informer. Voici ce que j’y ai appris.
Le besoin d’une technologie plus sobre

Le numérique est aujourd’hui omniprésent dans notre quotidien : on travaille sur ordinateur, on consomme beaucoup de streaming, et à cela s’ajoutent les réseaux sociaux, les jeux vidéos, et tutti quanti. L’impact sur l’environnement est de plus en plus préoccupant. Le numérique est responsable de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, un chiffre en augmentation de 9% par an.
Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas uniquement les data centers et les infrastructures réseau qui sont les plus polluants, mais surtout les terminaux électroniques (ordinateurs, smartphones, objets connectés), dont la fabrication et la fin de vie ont un impact ENORME.
Face à ce constat, il devient urgent d’imaginer un numérique plus respectueux de l’environnement, en limitant l’empreinte des équipements, en optimisant leur usage et en repensant les modèles économiques et technologiques.
L’impact du numérique sur l’environnement
Pour bien mesurer l’empreinte environnementale du numérique, il est essentiel d’analyser son cycle de vie complet, qui se divise en trois grandes phases :
1. La Fabrication des Équipements : Un Poids Écologique Colossal
La fabrication d’un appareil électronique nécessite une quantité massive de ressources naturelles, notamment des métaux rares (cobalt, lithium, terres rares), dont l’extraction pose de nombreux problèmes :
- Impacts environnementaux : pollution des sols et des eaux, déforestation, consommation d’eau excessive.
- Conditions sociales et éthiques : travail des enfants, conditions de travail dangereuses dans les mines.
Quelques chiffres pour illustrer cette consommation :
- Un smartphone de 200g mobilise 200 kg de matières premières pour sa fabrication.
- Un ordinateur portable de 2 kg nécessite environ 600 kg de matières premières.
- Chaque seconde, 50 smartphones sont vendus dans le monde, représentant 300 millions de tonnes de matières premières par an.
Malheureusement, la durée de vie des équipements est souvent très courte : en France, un smartphone est changé tous les 2 ans en moyenne, et seulement 20% des déchets électroniques sont recyclés correctement.
2. Une Consommation Énergétique en Hausse
Pendant leur utilisation, nos appareils numériques consomment également de l’énergie. Aujourd’hui, le numérique représente 7,5% de la consommation totale d’électricité en France. Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation :
- Une explosion du nombre d’utilisateurs : de 2 milliards en 2010 à plus de 4,5 milliards aujourd’hui.
- Une augmentation du temps passé en ligne : entre 2008 et 2018, ce temps a été multiplié par 4.
- Des sites et applications plus lourds : le poids moyen d’une page web est passé de 500 Ko en 2010 à 2 Mo en 2020 soit multiplié par 4 !
- Un essor massif du streaming vidéo : en 2019, la vidéo en ligne représentait 60% de la bande passante mondiale.
Ces usages énergivores nécessitent toujours plus d’infrastructures et de serveurs, augmentant ainsi leur empreinte carbone.
3. La Fin de Vie : Un Recyclage Encore Insuffisant
Le numérique génère 50 millions de tonnes de déchets électroniques par an, et 80% ne sont pas collectés pour être recyclés. Même lorsqu’ils le sont, le recyclage des composants électroniques est complexe et coûteux en raison de la miniaturisation et de l’intégration des circuits.
Un appareil jeté représente une perte importante de ressources précieuses, qui devront être extraites à nouveau pour fabriquer de nouveaux équipements, alimentant ainsi un cycle de surconsommation.
Le Paradoxe de l’Optimisation : L’Effet Rebond
L’amélioration technologique devrait permettre de réduire l’impact environnemental du numérique. Pourtant, un phénomène appelé effet rebond (ou paradoxe de Jevons) tend à inverser cette logique. Ce phénomène se produit lorsque l’amélioration de l’efficacité d’une technologie conduit à une augmentation de sa consommation globale. Par exemple :
- La compression vidéo permet aujourd’hui de diffuser des vidéos de meilleure qualité avec moins de bande passante.
- Au lieu de stabiliser la consommation énergétique, cette avancée a favorisé une explosion du streaming vidéo, rendant la consommation plus importante qu’avant.
Ce phénomène est visible dans de nombreux domaines :
- L’accélération des réseaux Internet a entraîné une augmentation du poids des pages web.
- L’amélioration des processeurs permet de développer des logiciels plus puissants, mais aussi plus gourmands en ressources.
Ainsi, si nous ne faisons pas attention à nos usages, toute optimisation technique sera neutralisée par une hausse de consommation.
Comment Réduire l’Impact du Numérique ?
Bien sûr, il existe plusieurs actions concrètes pour adopter un numérique plus sobre, aussi bien à l’échelle individuelle que collective.
1. Allonger la Durée de Vie des Équipements
Le meilleur moyen de réduire l’impact environnemental d’un appareil est d’en prolonger l’usage. Selon l’ADEME, doubler la durée de vie d’un appareil permet de réduire son empreinte carbone de 50%. Quelques solutions :
- Réparer au lieu de remplacer (via des Repair Cafés, ou des entreprises spécialisées).
- Acheter reconditionné au lieu de neuf (plateformes comme Backmarket, Commown).
- Donner une seconde vie aux équipements via le recyclage ou le don (Emmaüs, LaCollecte.tech).
2. Réduire l’Impact des Sites Web et Applications
Les développeurs peuvent jouer un rôle clé en réduisant l’empreinte des sites et applications :
- Limiter le poids des pages web (compression d’images, réduction des animations inutiles).
- Supprimer les trackers et publicités énergivores.
- Héberger les sites sur des serveurs écologiques (ex. Green Web Foundation, Datafarm, Qarnot).
- Changer d’OS pour des alternatives mieux optimisées lorsque votre ordinateur peut supporter autre chose (Hello Atlas OS !).
Des outils comme Website Carbon, Ecograder, Greenspector permettent de mesurer et réduire l’impact des plateformes numériques.
3. Éviter l’Obsolescence Logicielle
L’obsolescence logicielle pousse au renouvellement prématuré du matériel. Pour la limiter :
- Maintenir les anciennes versions des logiciels (ou de votre OS : et oui, je suis toujours sur Windows 10).
- Favoriser l’open-source, permettant une plus grande longévité des outils numériques.
4. Sensibiliser et Agir Collectivement
C’est le moment essentiel de la prise de conscience collective ! Des initiatives comme La Fresque du Numérique et les fameuses Batailles de la tech et de l’IA permettent de mieux comprendre les enjeux et de promouvoir un usage plus responsable des technologies.
Le numérique est aujourd’hui une source majeure d’impact environnemental, et son empreinte ne cesse d’augmenter. Pourtant, il est possible d’adopter un modèle plus sobre en agissant sur plusieurs leviers :
- Allonger la durée de vie des équipements (réparation, reconditionnement).
- Éco-concevoir les sites et applications (réduction du poids des pages, hébergement responsable).
- Limiter l’obsolescence logicielle et éviter la surconsommation.
Mais vous avez déjà fait le premier pas : vous renseigner ! Connaître l’impact de notre consommation est la premier pas pour la réduire efficacement. En repensant nos usages et en adoptant de bonnes pratiques, nous pouvons réduire l’empreinte carbone du numérique et faire en sorte que la technologie reste un atout sans devenir un fardeau pour la planète.
Quelques infos supplémentaires

Fun fact : Aujourd’hui, L’empreinte carbone par an de TikTok dépasse celle de la Grèce. C’est le réseau social avec les émissions annuelles les plus lourdes. Pourtant, il n’est pas plus mauvais que ses concurrents en empreinte carbone par minute :
En moyenne, un utilisateur de TikTok génère 2,921 g de CO2e par minute d’utilisation, juste derrière YouTube (2,923 g), tandis qu’Instagram est légèrement plus bas avec 2,912 g.
Sauf qu’on compte 39 milliard d’heures d’utilisation de Tik Tok pour 1,7 milliard d’utilisateur (23h par mois par utilisateur en moyenne !). Youtube comptabilise 33,75 milliard d’heures d’utilisation pour 2,5 milliard d’utilisateur (13,5h par utilisateur par mois). Avec son algorithme qui pousse à y rester scotcher pendant des heures, Tik Tok devient l’ennemi de la santé mentale et de la sobriété numérique.
Je vais finir sur une dernière comparaison : une courte couversation sur ChatGPT 4 émet en moyenne 272 grammes d’équivalent CO2 (CO2e). Une recherche google émet 7g CO2e.
Pour en savoir plus, allez réserver votre atelier en ligne sur la Bataille de la Tech ou la Bataille de l’IA ! C’est aussi l’occasion de débattre avec d’autres en parlant consommation numérique, ou moralité de l’utilisation de l’IA dans différents contextes et comment mettre en place les bonnes partiques. Peut-être que ce sera moi qui animerai votre session ! Et puis, pendant que vous y êtes, passez voir mes autres articles 😉